Taux d’intérêts. Voilà un terme qui se lit sur toutes les bouches – du moins sur celles des professionnels de l’immobilier et des potentiels acheteurs – depuis des mois. Les courtiers en crédit immobilier sont en première ligne face à cette problématique d’ampleur nationale. Trois d’entre eux analysent pour vous cette situation inédite.
Réforme du taux d’usure
Ils l’attendaient. Le 11 janvier dernier, à l’issue d’une réunion avec le ministère de l’Economie et les professionnels du crédit immobilier, la Banque de France a consenti à modifier, temporairement, le calcul du taux d’usure. Concrètement, c’est l’actualisation des taux qui change : elle se fera désormais mensuellement et non plus trimestriellement. Pour Samantha Rapetti, « il s’agit d’une solution provisoire permettant à court terme de débloquer la situation ». Il était devenu complexe pour les courtiers de respecter un seuil qui ne reflétait pas la réalité du marché puisqu’il « ne se réajustait jusqu’alors qu’une seule fois par trimestre, tandis que les taux évoluent quasiment tous les 15 jours voire toutes les semaines actuellement ». Cette mesure était réclamée depuis plusieurs mois, en témoigne la manifestation des courtiers devant la Banque de France en septembre dernier. Le réexamen mensuel du taux d’usure devrait être effectif le 1er février ou le 1er mars prochain, au plus tard. Et ce pendant une période de maximum huit trimestres. « Une bouffée d’oxygène indispensable » confesse Guylain Preteseille, pour qui « Même si la hausse des taux persiste, ce qui sera probablement le cas dans le premier semestre, et ne permet pas d’ouvrir la valve des crédits, cela donnera de l’air à tout le monde ». Il espère le retour à un plateau courant deuxième semestre lorsque les banques auront maitrisé l’inflation. Face à cette mesure temporaire, Cédric Musso s’interroge : « Est ce que ça suffira ? Est-ce que ça permettra aux banques de revenir sur le terrain ? Je ne sais pas. En tous cas, nous pensons que c’est un bon point de départ ». Selon lui, l’avantage de cette réforme réside en un regain de réactivité et donc en une meilleure adaptation pour tous les acteurs du secteur. Si les courtiers sont impactés, les banques le sont tout autant car elles « n’arrivent pas à restaurer leurs marges avec cette problématique de taux d’usure » assure Guylain Preteseille.
Focus sur les emprunteurs
Les emprunteurs se heurtent également de plein fouet à la crise. « Par exemple, pour une échéance de 1 000 €, en janvier 2022, il était possible d’emprunter 260 000 € alors qu’avec cette même mensualité, en décembre 2022, le montant de l’emprunt était réduit à 220 000 € » (Samantha Rapetti). En novembre dernier, le FMI avait déjà préconisé aux autorités françaises de modifier le mode de calculs de l’usure pour limiter l’éviction injuste des candidats à l’emprunt immobilier. Ils le subissent au quotidien, en témoigne Cédric Musso « C’est très difficile de faire passer un certain nombre de dossiers considérés comme
exemplaires en temps normal ». Ils se retrouvent pris en étau entre le taux d’usure, à l’origine conçu comme un bouclier contre des taux bancaires abusifs, et les grilles de taux de plus en plus élevées des banques. C’est ce que l’on appelle l’effet de ciseau. Un concept qui peut s’avérer délicat à expliquer. Les courtiers doivent alors redoubler de vulgarisation et de pédagogie auprès de leurs clients. « Nous sommes plus que jamais dans un contexte d’accompagnement auprès de nos clients » (Cédric Musso). Guylain Preteseille admet également accorder plus de temps qu’avant à chaque dossier : « D’ordinaire, signer un compromis constitue l’achat d’une vie. Mais aujourd’hui, les clients sont plus inquiets. Cela nécessite de les rassurer ». Pour Samantha Rapetti, cette période de crise renforce sa relation avec les clients « Ce qui engendre une relation de confiance bien plus forte à mon sens, un accompagnement et une présence de notre part à toutes les étapes. On ressent bien que faire appel à un courtier devient une nécessité d’aujourd’hui. »
Les perspectives 2023
Malgré la récente réforme du taux d’usure, on peut s’interroger sur la perspective d’une crise du logement. « On ressentiracertainement un ralentissement et une tension du marché locatif mais la demande est telle dans le 06 qu’on ne subira pas une crise du marché immobilier » nous rassure Guylain Preteseille. Idem pour Cédric Musso qui « probablement entrainé par un optimisme de directeur d’entreprise, a envie de croire que tout va s’aplanir d’ici six mois ». À échelle locale, le dynamisme du marché immobilier niçois peut jouer en notre faveur. « On est beaucoup moins touché. Vous financer est constitué de 200 agences en France. Celles du 06 sont premières. Peut-être grâce à nos qualités mais surtout grâce à la vitalité du marché niçois » (Guylain Preteseille). Malgré les tensions, c’est donc toujours le moment d’investir, certifie Samantha Rapetti « avec en prime une négociation pour les acquéreurs plus envisageable aujourd’hui qu’il y a quelques mois ». Elle suggère aussi qu’à toute période de crise succède une période faste, donc restons optimistes.
Cédric MUSSO – ACE Crédit
Guylain Preteseille – VOUSFINANCER
Samantha Rapetti – ARTÉMIS COURTAGE