Voilà plusieurs semaines que le gouvernement appelle les Français à la sobriété énergétique pour passer l’hiver sans encombre. Face
à cette situation inédite, les syndics doivent endosser les rôles de pédagogues et de médiateurs auprès des copropriétaires. Focus sur les observations et expertises de trois syndics niçois.
Ne pas céder à la panique
Ils sont unanimes. Aussi effrayante soit-elle, la crise reste conjoncturelle. Il ne faut surtout pas « se laisser prendre par l’urgence » pour Antoine Mascarello ou « céder à la panique et prendre des mesures radicales » nous rassure Michel Cancellara. Comme en bourse, il y a des tendances. Le cabinet Grammatico est d’ailleurs « accompagné par un courtier et une cellule de crise en interne pour anticiper et ne pas se laisser surprendre ». Depuis septembre, sous fond de guerre russo-ukrainienne, la tendance est nettement à la hausse. Cette fluctuation pose nécessairement la question des renégociations de contrats, d’autant plus en fin d’année. Une fois encore, ils penchent tous trois vers le même conseil : ne surtout pas s’engager à long terme. « Contracter à un prix très haut revient à se bloquer dès lors qu’il y aura un défrichement des coûts » assure Antoine Mascarello. Pour se prémunir de l’inflation, le gouvernement préconise 19 degrés par foyer. S’il s’agit « plutôt d’une incitation qu’une règle intangible » (Antoine Mascarello), l’ensemble des foyers semble s’y plier. En effet, « un degré de moins, c’est déjà une baisse de consommation de 10 % » nous rappelle Michel Cancellara. Dans la plupart des copropriétés dont il est en charge, Mathieu Térol a par ailleurs « démarré des chauffages à la mi-novembre pour arrêter fin mars afin de limiter les coûts pour les copropriétaires ».
Des défis au quotidien
Tel est le nerf de la guerre pour l’ensemble des syndics. Garantir le meilleur taux pour l’ensemble de leurs clients, malgré une
disparité de ressources. Mais aussi, et surtout, gérer les craintes, les questionnements, les incompréhensions et « trouver des solutions pour qu’il y ait une transition, un accompagnement auprès de nos copropriétaires » confie Michel Cancellara. Cela nécessite évidemment « beaucoup de diplomatie, de patience et de pédagogie au quotidien » pour Mathieu Térol et « un besoin de redoubler de formations pour les collaborateurs afin d’expliquer au mieux des données qui sont parfois obscures » ajoute Antoine Mascarello. Si un grand nombre d’aides sont mises en place (bouclier tarifaire, aides MaPrimeRénov, primes CEE…), elles sont souvent méconnues et seulement 10 % de l’ensemble est utilisé selon Michel Cancellara. Ils déplorent tous trois un manque d’accompagnement de l’Etat qui déploie certes, depuis plusieurs années, un arsenal juridique mais souvent jugé hors-sol. C’est un fait : « Nous constatons une vraie méconnaissance de notre métier par les gouvernants » (Mathieu Térol). Un postulat qui complexifie la situation lorsque l’on sait que les syndics représentent l’un des derniers maillons de la chaîne d’un point de vue de l’application des normes. Antoine Mascarello dénonce une « diarrhée législative et réglementaire, des salves de textes qui s’imposent à nous à une cadence inquiétante ». Michel Cancellara, quant à lui, s’interroge « pourquoi ne disposons-nous pas d’un numéro unique dédié aux subventions ? ». Si les hautes sphères peinent à accompagner efficacement les syndics au quotidien, d’autres alternatives voient le jour. Mathieu Térol souligne « l’excellent travail mené par l’ANGC sous la présidence de Gilles Frémont qui permet d’expliquer plus en détails le métier
de gestionnaire de copropriétés ». La FNAIM propose également des solutions innovantes de financement avec le développement d’outils bancaires tournés vers la copropriété rappelle Antoine Mascarello.
Des ambassadeurs de la transition énergétique ?
Lors de son mandat, Madame Ségolène Royal avait nommé les syndics « ambassadeurs de la transition
écologique ». Pour Michel Cancellara, il est évident que « nous devons être vecteurs de changement lorsque l’on connaît le taux
hallucinant de CO₂ émis par le logement par le fait de la déperdition ». Pourtant, cette responsabilité opérationnelle peut faire sourire : « Nous sommes flattés, mais ce genre d’ appellations pompeuses n’est pas ce qui nous motive. Nous faisons déjà notre travail au quotidien » (Antoine Mascarello). En termes de travaux de rénovation énergétiques (plans pluriannuels de travaux, DPE…), les syndics sont une fois encore sur la ligne de front. « Nous avons clairement un rôle à jouer au niveau local pour faire comprendre la nécessité de ces travaux, mais le problème est beaucoup plus vaste que ça » (Mathieu Térol). La crise énergétique s’invite jusque dans nos foyers niçois même si, comme le souligne Michel Cancellara « le réchauffement climatique peut endiguer la crise de l’énergie ». S’il est évident que de nombreuses avancées sont encore à mettre en place, nous pouvons nous estimer chanceux de vivre dans le Sud où le thermomètre atteint rarement de températures glaciales , même lors de l’hiver le plus froid.
Antoine MASCARELLO
Michel CANCELLARA
Mathieu THEROL